Louis Delluc (1890-1924)

Je dois avouer, à ma grande honte, que pas un mot de cette page n'est de moi. Tout vient de pages internet dont j'ai oublié de noter l'adresse. Mais bon, il est 2h du mat' ...

Louis Delluc : le réalisateur

Essayiste, romancier, dramaturge, cinéaste, Louis Delluc fut l’un des pionniers de la première avant-garde cinématographique française des années vingt. On opposait alors communément — et non sans quelque goût de polémique — cinéma d’avant-garde, cinéma pour l’élite, à cinéma «populaire», de consommation courante. Face à la seconde tendance, représentée par Louis Feuillade et Henri Fescourt, Delluc se posa en champion de la première, aux côtés d’Abel Gance et de Germaine Dulac. Il reprenait et illustrait les théories de Ricciotto Canudo, lequel visait à imposer l’autonomie de l’art du film où il voyait une synthèse des «arts de l’espace» (architecture, peinture, sculpture) et des «arts du temps» (musique, danse).
Delluc sut imposer auprès des intellectuels, par ses écrits plus encore que par ses films, le goût et peut-être même le snobisme de ce que Canudo avait proposé d’appeler le «septième art». Les Allemands avaient l’expressionnisme; Delluc lança l’idée d’un mouvement parallèle dit impressionniste. L’attention est portée moins au fond qu’à la forme, moins à la valeur de l’intrigue qu’à la façon de dépeindre plastiquement le désarroi des personnages. On tente de rendre tangibles sur l’écran le souvenir, le rêve, la pensée... L’irruption du passé dans le présent, le mélange des temps, les retours en arrière, le symbolisme visuel (un peu schématique, compte tenu des moyens de l’époque) caractériseront ses films, peu nombreux: Le Silence (1920), Fièvre (1921), La Femme de nulle part (1922), L’Inondation (1923).
Convenons que tout cela a bien vieilli, bien plus, en tout cas, que les films de Feuillade dont Delluc stigmatisait dans ses articles les «abominations feuilletonesques». Fièvre reste néanmoins visible par un certain sens du décor, de l’atmosphère portuaire, d’une poésie inspirée de Griffith. Surtout, restent les écrits de Louis Delluc qui marquèrent une génération: Cinéma et Cie (1919), Photogénie (1920), La Jungle du cinéma (1921).

Louis Delluc : le critique

Dès l'apparition du cinématographe, en décembre 1895, l'invention suscite de nombreux articles dans la presse. Mais jusque dans les premières années du XXème siècle, c'est sous un angle technique que la nouveauté du cinéma est commentée, le plus souvent dans des revues consacrées à la photographie. A noter cependant, l'apparition, en 1897 de La mise au point , l'ancêtre des petits magazines trouvés aujourd'hui dans les salles de cinéma. Crée par Léon Gaumont, il s'agit de la première publication publicitaire, destinée à mettre en valeur les nouveautés qu'il propose chaque mois. Une idée très vite reprise par son concurrent direct : Pathé.
Rien qui ressemble à la critique donc, le cinéma étant considéré le plus souvent comme un ersatz du théâtre. En 1912, Le Figaro publie une enquête sur le thème "le cinéma peut-il concurrencer le théâtre ?", et dès 1913, des informations sur la vie des studios sont intégrées aux pagesÊ du "Courrier théâtral". Dans certains quotidiens, une page entière est parfois accordée au cinéma, mais sous un angle très publicitaire. Il faut donc attendre la fin de la guerre pour voir apparaître la critique cinématographique.

Avant de devenir le premier critique cinématographique, Louis Delluc est un homme de lettres : né à Cadouin en Dordogne, il publie des poèmes dès l'âge de quinze ans, consacrant tous ses loisirs à la lecture et au théâtre. Une fois monté à Paris, il entre d'ailleurs dans la revue théâtrale, le "Comoedia Illustré", dédaignant le cinéma, qu'il qualifie de "mauvaises cartes postales" ou encore d' "imagerie pour des êtres sans imagination". Autant de préjugés qu'il abandonne en 1915, quand il voit pour la première fois "Forfaiture", de Cecil B. De Mille. Frappé par la qualité de la mise en scène, il abandonne tout pour se consacrer à ce qu'il considère désormais comme un art, et qu'il défend en tant que tel, d'abord au Film, l'aînée des revues spécialisées, pour laquelle il écrit son premier article le 25 juin 1917. Dès l'année suivante, il persuade le rédacteur en chef du quotidien Paris Midi de la pertinence d'une place réservée à la critique cinématographique. Son argument : "nous assistons à la naissance d'un art extraordinaire" ; son premier article : un portrait de Douglas Fairbanks. Appliquant au cinéma les méthodes de la critique théâtrale, il collabore à Paris Midi jusqu'en 1922, en même temps qu'il crée son propre magazine, Le Journal du ciné-club , rapidement transformé en Cinéa, et considéré comme la première revue de cinéma digne de ce nom. Toutes ses critiques sont marquées par son amour du cinéma américain, celui de Chaplin en particulier, le plus souvent au détriment du cinéma français, à l'exception d'Abel Gance ou de Germaine Dulac. Avec l'aide de cette dernière, Louis Delluc passe rapidement derrière la caméra et met en pratique son idéal cinématographique : l'histoire ne compte pas, seules les impressions importent.

Cinéa invente le concept du numéro spécial, consacré à un seul sujet, et accueille dans ses colonnes deux autres grandes signatures : Lucien Wahl et Léon Moussinac. Sur le modèle de cette revue, les grands journaux français développent rapidement des rubriques régulières consacrées au cinéma. A l'automne 21, la bataille est gagnée : Le Petit Journal institue tous les vendredi une page entière consacrée au cinéma, sans aucun lien avec la publicité. Non content de faire partager son amour du cinéma, Louis Delluc invente plusieurs concepts aujourd'hui rentrés dans les murs : celui de cinéaste d'abord, mais surtout celui de ciné-club, conçu comme une infrastructure consacrée à la sauvegarde et à la diffusion de certains films. Une démarche qui fait de lui un pionnier dans la lutte pour la conservation des films. Le prix Louis Delluc est créé en son honneur en 1937, plus de dix ans après sa mort et son dernier film, " L'inondation ". En 1949, l'Association Française de la Critique de cinéma pose une plaque sur la façade de l'immeuble où il est décédé, le consacrant "créateur de la critique cinématographique".

Le Prix Louis Delluc

Considéré comme l'équivalent cinématographique du Prix Goncourt, il est décerné pour la première fois en 1937, par un groupe de journalistes de cinéma réunis sous le nom de "Jeune critique indépendante" ; il s'agit pour eux de lutter contre l'académisme du Grand Prix du cinéma français ; ils attribuent leur premier Prix au film de Jean Renoir "Les Bas-Fonds"...
Ce n'est pas par hasard que le nom de Louis Delluc est choisi pour ce prix : il est en effet synonyme d'indépendance, d'exigence critique et d'amour du cinéma. Depuis sa création, il est décerné chaque année (sauf rares exceptions) par un jury de critiques qui couronne ainsi le meilleur film de la production française.

Palmarès

1937 : Les Bas-fonds de Jean Renoir
1938 : Le Puritain de Jeff Musso
1939 : Quai des brumes de Marcel Carné
1945 : L'Espoir d'André Malraux
1946 : La Belle et la Bête de Jean Cocteau
1947 : Paris 1900 de Nicole Védrès
1948 : Les Casse-pieds de Jean Dréville
1949 : Rendez-vous de juillet de Jacques Becker
1950 : Le Journal d'un curé de campagne de Robert Bresson
1952 : Le Rideau cramoisi d'Alexandre Astruc
1953 : Les Vacances de M.Hulot de Jacques Tati
1954 : Les Diaboliques d'Henri-Georges Clouzot
1955 : Les Grandes Manœuvres de René Clair
1956 : Le Ballon rouge d'Albert Lamorisse
1957 : Ascenseur pour l'échaffaud de Louis Malle
1958 : Moi, un Noir de Jean Rouch
1959 : On n'enterre pas le dimanche de Michel Drach
1960 : Une aussi longue absence de Henri Colpi
1961 : Un cœur gros comme ça de François Reichenbach
1962 : L 'Immortelle d'Alain Robbe-Grillet ; Le soupirant de Pierre Étaix
1963 : Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy
1964 : Le Bonheur d'Agnès Varda
1965 : La Vie de château de Jean-Paul Rappeneau
1966 : La guerre est finie d'Alain Resnais
1967 : Benjamin de Michel Deville
1968 : Baisers volés de François Truffaut
1969 : Les Choses de la vie de Claude Sautet
1970 : Le Genou de Claire d'Éric Rohmer
1971 : Rendez-vous à Bray d'André Delvaux
1972 : État de siège de Costa-Gavras
1973 : L'Horloger de Saint-Paul de Bertrand Tavernier
1974 : La Gifle de Claude Pinoteau
1975 : Cousin, cousine de Jean-Charles Tachella
1976 : Le Juge Fayard, dit «le shériff» d'Yves Boisset
1977 : Diabolo menthe de Diane Kurys
1978 : L'Argent des autres de Christian de Chalonge
1979 : Le Roi et l'oiseau de Paul Grimault
1980 : Un étrange voyage d'Alain Cavalier
1981 : Une étrange affaire de Pierre Granier-Deferre
1982 : Danton d'Andrzej Wajda
1983 : À nos amours de Maurice Pialat
1984 : La Diagonale du fou de Richard Dembo
1985 : L'Effrontée de Claude Miller
1986 : Mauvais Sang de Léos Carax
1987 : Soigne ta droite de Jean-Luc Godard ; Au revoir les enfants de Louis Malle
1988 : La Lectrice de Michel Deville
1989 : Un monde sans pitié d'Éric Rochant
1990 : Le Petit Criminel de Jacques Doillon ; Le Mari de la coiffeuse de Patrice Leconte
1991 : Tous les matins du monde d'Alain Corneau
1992 : Le petit prince a dit de Christine Pascal
1993 : Smoking/No Smoking d'Alain Resnais
1994 : Les Roseaux sauvages d'André Téchiné
1995 : Nelly et M. Arnaud de Claude Sautet
1996 : Y aura-t-il de la neige à Noël de Sandrine Veysset
1997 : On connaît la chanson d'Alain Resnais ; Marius et Jeannette de Robert Guédiguian