Critiques sur Le Roi et l'Oiseau

Pour commencer, un superbe commentaire au format pdf.

'Le Roi et l'Oiseau'. Soirée thématique: 'Il était une fois Andersen', Arte, 20 h 50 ; 24 décembre 1996

Pour la première fois sur Arte, une soirée thématique est entièrement réservée aux enfants. Dessins animés, films inédits, animations, fiction originale, jeu de l'oie magique nous plongent dans l'univers d'Andersen. Vedette de ce magnifique cocktail, 'le Roi et l'Oiseau'. Son auteur, Paul Grimault, aujourd'hui décédé, a dû attendre 1977 pour obtenir enfin le droit de terminer suivant son désir le film de sa vie, entamé trente ans plus tôt. Sans doute le meilleur dessin animé français.

Ce bijou de poésie et d'humour, adapté de 'la Bergère et le Ramoneur' d'Andersen, rapporte l'histoire d'un tyran qui, régnant sur le royaume de Takicardie, tombe amoureux d'une bergère, laquelle est aimée d'un très modeste ramoneur. Un oiseau impertinent qui niche avec sa couvée au-dessus des appartements du roi aide les amoureux à s'enfuir vers la ville basse. Une folle poursuite s'engage...

En 1945, Jacques Prévert, qui vient de relire 'la Bergère et le Ramoneur', propose à Paul Grimault d'en faire un film. 'Jacques a écrit une première mouture, puis une seconde', explique Paul Grimault. 'Moi, je faisais des croquis et on se réunissait de temps en temps. Tout le monde pensait qu'on pouvait se débrouiller, qu'on allait épater le monde entier avec notre petite équipe française. Progressivement, nous formions des gens pour augmenter l'équipe. En 1949, c'était probablement la plus importante d'Europe. Mais à un moment donné, il n'y a plus eu d'argent. On en est venu à s'engueuler avec Sarrut, le producteur. Ça a mal tourné. J'ai été viré en même temps que mes plus anciens collaborateurs.' La production décide alors de finir le film sans eux. Il sort en 1953, sous le titre 'la Bergère et le Ramoneur' dans une version que Prévert et Grimault refusent de signer. Vingt ans plus tard, il reprend son projet, mais pas là où il l'avait laissé. Le roi, c'est l'oppression. L'oiseau (qui devait être doublé par Pierre Brasseur, décédé avant la reprise des travaux), c'est la liberté. On est en plein anti-totatilarisme et le film, porteur de formidables valeurs, obtient le prix Louis-Delluc !
MAGALI JAUFFRET

Le prix Louis Delluc consacre le génie de Paul Grimault.
Paris, 19 mars 1980

L'arrivée sur les écrans du film "Le roi et l'oiseau", long métrage de Paul Grimault, constitue un double évènement. Pour la première fois, un dessin animé est couronné par le prix Louis Delluc, décerné en décembre dernier. Cette sortie marque l'aboutissement de trente ans d'espoirs et d'efforts. On sait que Grimault, dépossédé de son oeuvre en cours de réalisation à la suite d'un grave conflit avec son producteur en 1950, a du laisser sortir trois ans plus tard "La bergère et le ramoneur" dans une version qu'il désapprouvait. Ayant réussi à racheter le négatif, à rassembler le financement, à reconstruir et terminer le film avec une équipe rajeunie, il peut enfin offrir au public, sous un nouveau titre, l'état définitif de son chef-d'oeuvre. Son seul regret est que Prévert ne puisse s'en réjouir avec lui.

Le bel acharnement de Grimault a payé.

Le Roi et l'Oiseau, couronné par le prix Louis-Delluc, est une œuvre magnifique, d'une poésie et d'une invention bouleversantes. Humour, harmonie du graphisme, grâce des couleurs, beauté des dialogues et de la musique, tout concourt à faire de cette allégorie sur l'amour fou, la révolte et la défense des opprimés un authentique régal.
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Télérama, 18 décembre 1985

Dans l'appartement secret de Sa Majesté, un peintre met la dernière main au portrait du roi. Mais il a oublié de dessiner d'abord une cage (comme le conseillait Jacques Prévert dans un autre poème célèbre). Et le portrait, qui est l'âme damnée du roi, supprime son modèle et prend sa place. Du coup, l'essence des choses se révèle, l'inexprimable peut s'exprimer. Le tableau représentant une bergère et un ramoneur s'anime. Ils s'avouent leur amour. Mais le roi est amoureux de la bergère, et « les enfants qui s'aiment » doivent se sauver, poursuivis par la police et soutenus par l'oiseau-moqueur »
CLAUDE-MARIE TREMOIS

Jeune Cinéma, n° 128

A l'époque où nous faisions le film, nous étions en concurrence, sur le plan du spectacle, uniquement avec les Américains. (...) On disait que le dessin animé était réservé aux enfants, ou aux parents qui emmènent les enfants avec eux. Nous, nous avons visé un peu différemment. Les choses ont évolué depuis 1940, on s'est habitué à des choses plus raides, plus dures, qui trouvent leur place dans Le Roi et l'Oiseau.
PAUL GRIMAULT

Positif, juillet-août 1980

Dans la poésie du Roi et l'Oiseau, fantaisie et causticité renvoient constamment l'une à l'autre, prouvant s'il en était besoin qu'émerveillement et vivacité critique ne s'excluent pas. L'humour de Paul Grimault et de Jacques Prévert nous renvoie aux capacités d'invention de la réalité quand elle veut nous piéger ; et c'est la réalité piégée de la demeure royale, avec ses mirages, fantasmagories et chausse-trapes, que fuient la bergère et le ramoneur. Tout tient bel et bien au pouvoir de fascination de son graphisme : les crayons et pinceaux de Paul Grimault insufflent à son royaume et à ses sujets une vie singulièrement libre et juste.
JEAN-PHILIPPE DOMECQ

Présentation de la cassette vidéo

Inutile de connaître le récit d’Andersen pour profiter du dessin animé. Le conte est mêlé au film comme les portraits des peintures sont mêlés à la réalité. C’est d’ailleurs la force de ce dessin animé de montrer tant par son scénario que par ses décors superbes qu’il n’existe aucune barrière entre l’imagination et le réel, entre le rêve et la réalité. C’est bien le problème de ce Roi qui croit que le simple fait de vouloir (en l’occurrence la Bergère) va lui permettre d’avoir et qui est convaincu que la simple projection de son image dans le royaume (les parterres de fleurs, les sculptures, les galeries sont autant de portraits de lui) va lui permettre de conserver son pouvoir. Tout le monde est aux pieds au roi (la preuve, il habite au 296e étage, le plus haut du royaume), seuls l’oiseau qui est capable de voler plus haut et le ramoneur qui peut grimper sur les toits sont capables de le défier. Ce conte si simple en apparence, ne serait-ce que dans les noms choisis (bergère, ramoneur, roi et oiseau), touche à l’universel et devient fable sur le pouvoir et la grâce. Une façon d’exprimer ce que disait Horace : « la force sans l’intelligence s’effondre sous sa propre masse ».
ZELIUS

Guide des films - Ed. Laffont

Il était une fois un roi cruel qui réduisait à l'esclavage tous ses sujets. Il n'aimait que son portrait, reproduit à l'infini à tous les niveaux de son château, et aussi une petite bergère, car comme le disent les légendes : "les rois épousent les bergères".
Heureusement, l'oiseau veille…
En 1950, Paul Grimault réalise le premier dessin animé français de long-métrage La Bergère et le ramoneur qui ne sort qu’en 1953, remanié et désavoué par son auteur. Il en reprend les droits treize ans plus tard, et à partir de 1977, réalise Le Roi et l’oiseau, ne conservant qu’une vingtaine de minutes de la précédente version. Le film, récompensé par le prix Louis Delluc 1980, est une pure merveille. Que ce soit la délicatesse du graphisme, la beauté des décors, l’harmonie des couleurs, l’ironie des dialogues, l’humour des nombreux gags, la perfection de la musique, tout ici séduit la vue, l’ouïe et l’esprit. Ce film, qui défend les opprimés contre la tyrannie, est un véritable joyau du cinéma d’animation.
CLAUDE BOUNIQ-MERCIER